-Ton nom.

-Brewster.

-Au complet.

-Bess Angel Brewster, madame.

-Tu es mineure ?

-J’ai quatorze ans.

-Ta date de naissance et l’hôpital où tu es née s’il te plaît.

-Je suis née le dix avril 1996 à l’hôpital Abraham Lincoln au Wisconsin.

Je vis ce que la partenaire du policier remplissait. C’était un document avec en grosse lettre écrit : Fichard’s School. Wesley m’en avait parlé. Une des 5 écoles réputées pour les délinquants. À ce que je voie, je vais être dans la Freshman year. Mais c’est quoi ces noms codés bordel ?! Ah, et c’est la meilleur ! Ils me mettent dans la catégorie Just let me go.

Puis elle partie et je resta seule avec le policier. Dans une salle d’interrogatoire. Sans mon frère. Ils voulaient sûrement nous séparés, pour voire si on disait la même chose. Nos versions des faits. Mais, le hic dans tout cela, c’est qu’il n’y a juste pas de faits. Pas de meurtre, pas de vol. Rien.

-Raconte moi.

Bien sûre, il faisait allusion à la fugue. Aux deux fugues. Mais il ne faisait aucunement allusion à mon enfance difficile ou bien aux problèmes dans ma famille d’acceuil. Comme si je n’avais fugué pour aucune raison, comme si quand on fuguait on voulait seulement attirer l’attention.

Car oui, j’ai eu une enfance difficile. Moi et mon frère Wesley étaient victimes de parents violent. Mon père était agent immobilier. Et, comme toute personne travaillant dans l’immobilier, il devait avoir une maison parfaite, un jardin parfait mais surtout une famille parfaite. Mais personne n’est parfait. Quand il a commencé à frapper Wesley, c’est quand il avait fait un mauvais coup. Depuis, il le frappait chaque fois qu’il était déçu de lui. Quand ma mère prenait sa défense, il la frappait. Donc quand mon père frappait mon frère elle partait s’enfermer dans sa chambre. Et je faisais la même chose qu’elle. Car, à cette époque, je n’avais que neuf ans. Puis c’était mon tour. Je prenais plusieurs gifles en un jour, et le lendemain je revenais à l’école avec plein d’équimoses. Ce qui m’étonnait, c’est que ça faisait plus souffrir Wesley quand notre père me frappait plutôt que quand il le frappait.

-Que je raconte quoi !? Que je raconte que mes parents me brutalisaient et que Wesley et moi avons fugué parce qu’il voulait nous protéger ? Me protéger ?

Car un jour, pendant que notre père était resté travaillé tard et que notre mère était à une soirée avec ses amies, nous sommes partis. Nous avons pris le plus d’argent que nos poches pouvaient transporter, un polar et nous sommes partis de la maison. Partis de l’enfer. Enfin, c’est ce que je croyais. Cela faisait plusieurs mois que Wesley y pensait. Il avait quinze ans, mais il avait l’aire beaucoup plus vieux que son age. Moi, j’en avait seulement 11. Nous sommes partis en autobus le plus loin possible, soit en Illinois. Mais lorsqu’on pensait qu’on était libre, ils nous ont attrapés. Ils nous attendaient bien gentiment à la gare de l’Illinois, alerté par le chauffeur d’autobus. C’est vrai qu’on avait l’aire louche et qu’on a pu éveillé quelques soupçons. Mais bon on était jeune.

Il y a eu un procès, où nos parents ont perdu notre garde. Cela voulait dire qu’on allait en famille d’accueil. Les policiers ont tout fait pour que nous soyons ensemble, mais en même temps ils disaient que mon frère avait une mauvaise influence sur moi.

Ils m’on envoyés au Minnesota, et mon frère je ne sais plus où. On essayait de se voir le plus souvent possible. Il m’aimait.

-Non, parle-moi de ta deuxième fugue.

Le hic dans l’histoire, c’est qu’il n’y a pas eu de fin heureuse. Dans ma famille d’accueil, il y avait Robert, un vieil homme, Josée, son épouse, et Eric. Eric a été aussi placé en famille d’accueil, mais pas pour les mêmes raisons que moi. Il était un trafiquant de drogue et il consommait. Et il était pire que mon père. Eric avait un an de plus que mon frère. Quand j’eut quatorze ans, (et lui dix-neuf), et que je commençais à être assez mignonne, il a commencé à jouer avec moi. Il me violait. J’étais son souffre douleur. Quand il perdait de l’argent avec sa drogue, hop, il se défoulait. Il me violait mais avec une telle violence ! Bien sûre, je l’ai dit à Wesley. Et dès qu’il l’a su, tout à recommencer.

-On s’est sauvé dans la nuit de 24 au 25 octobre. On a pris le train pour aller à quelque part. N’importe où. Et vous nous avez retrouvé. Mais vous le savez déjà, non ? Pourquoi je ne peux pas voire mon frère !


Moins d’un mois plus tard.

J’avais raison, ils m’ont bel et bien envoyé à Fichard. Mais là, au moins, je vais être avec mon frère. Même si parfois c’est un idiot. On se chicane, c’est vrai, comme tous les frères et sœurs. Et il est trop protecteur envers moi. Et je n’aime pas ça. Il m’appelle Bébé, à cause de mes initiales, mais c’est aussi parce qu’il me prend pour ça. Un bébé, un enfant. Il ne pense pas que je suis forte, il pense que je suis sensible, mais ce n’est pas le cas. Ils me sous-estiment tous. Pour eux, je ne suis qu’une enfant de quatorze ans. Et ça ne va pas changer ici. Je ne pense pas que je vais me faire beaucoup d’amis ici, car si tous les délinquants sont comme Eric, ça va être difficile. Mais aussi car je ne suis pas la fille la plus sympathique du monde. Je suis très réservée, mais quand je suis avec quelqu’un de confiance je me lâche. Je dis tout ce que j’ai sur le cœur. Car, même si ça ne paraît pas toujours, j’ai bel et bien un cœur. La plupart du temps j’ai l’aire froide, non-interressée et très souvent hypocrite.


Je me regardai devant le miroir. Aujourd’hui j’allais pour la première fois à Fichard, là ou je vais rester pour les cinq prochaines années de ma vie. J’avais enfilé une paire de jeans bien normal, des baskets blancs et un chandail en laine col roulé blanc, qui faisait contraste avec les pantalons foncés. J’ai laissé mes cheveux chatains-blonds détachés, qui faisaient des boucles et qui finissaient un peu plus bas que mes épaules. Je ne m’ai pas maquillé, pas comme d’habitude. J’ai eu ma leçon avec Eric. Le moins sexy possible sera le mieux. Car je ne veux pas avoir de petit ami ici, je veux seulement avoir une existence potable.