Première journée.

C'est avec une certaine joie que je quittai les vestiaires attenant au gymnase. Je venais de terminer mon cours d'éducation physique. La première journée dans ce nouveau centre de torture -veuillez y lire école- venait de prendre fin et il s'était déroulé sans anicroche -mise à part ce groupe de pimbêches qui m'avait fixé (ah, la nouveauté, pas facile à assimiler pour les idiots qui semblaient certainement sillonnés cette école) et à qui j'avais formellement envoyé un regard meurtrier pas mal convaincant (et oui, voyez la maîtresse en action). Bref, sans passer complètement incognito -assez difficile, me direz-vous, avec la réputation qui me précède (en effet, j'ai eu ouïe-dire qu'une fille qui a tuée sa sœur ne débarque pas souvent, même dans une école de délinquants juvéniles- j'avais réussi à ne pas trop détonner. Étais-je à ma place? Difficile à dire, du moins, je ne l'espérais pas. J'étais bien différente de toutes les personnes que j'avais croisé jusqu'à présent. Tous ici avait une histoire, qui semblait sans aucun doute tirée par les cheveux, et des explications pour s'excuser - enfance terrible, parents absents, caractère arrogant et dénonciation l'autorité, agression, passez-en- mais, au fond, les fichardiens -amusant, non?- avaient seulement du mal à s'accepter et surtout à accepter les actes répréhensibles qu'ils avaient commis. D-É-P-L-O-R-A-B-L-E. Le mot me semble juste. Suffisait d'accepter que putain que la vie faisait chier. Facile, hein?

Donc, je sortis, après m'avoir changer -pour ce que ça avait servit (les efforts, 'pas trop mon truc)- en empoignant mon sac et en le tenant sur l'épaule. Alors que je tournai le coin, l'immanquable se produit. BAM! Un inconnu qui de plein fouet me heurta. La journée n'avait atteint son quota de malheur, faut croire.

(N'importe qui!)

J'avais eu des cours complètement tarés cet avant-midi. Maintenant, j'avais éducation physique. Sérieusement, à quoi sert ce cour? Je veux dire, à part manquer se tuer à essayer de grimper à des cordes glissantes sous les aboiements stridents d'un coach de sport, la moitié du temps à moitié fou et pédophile qui regarde en-dessous des shorts des filles quand elle sont dans les airs... J'avais malgré tout décidé d'y aller. Mais seulement parce que la directrice m'avait rattrappée en train de sécher devant l'école. Et qu'elle m'avait raccompagnée jusqu'à côté du vestiaire. Je la regardai partir, attendant qu'elle soit hors de vue pour foutre mon camp de cet endroit maudit par toute personne normale. Quand elle fut enfin au loin, se retournant une dernière fois pour voir si je ne m'en allais pas, je me retournai à mon tour. Une masse sombre faillit me renverser.
- Non, mais! Espèce d'incompétent! Regarde-donc un peu où tu mets les pieds! Ça t'évitera peut-être de te faire frapper, pauvre demeuré!
Ok. C'était exagéré, comme réaction. Je l'avoue. C'était aussi ma faute, cette collision, autant qu'elle. Tout de même, je pris un air provocant. Aujourd'hui, je ne me sentais pas d'humeur à plaisanter. Pas du tout...

Non, mais, pour qui elle se prenait, celle-là! Comme si c'était de ma faute. Tant pis pour elle, elle n'avait qu'à regarder où elle allait. Manquerait plus que je doivent concentrer mes esprits sur des espèces de tarées qui veulent faire croire qu'elles s'imposent et qu'elles se montrent fortes en criant des bêtises à la moindre petite chose.

Contrairement à elle, j'utilisai à mon habitude, une approche qui nécessitait moins d'énergie -crier est tellement énergivore, pas vrai? Ha, la paresse comportementale (totale invention de ma part, je dois bien l'avouer), mais tout aussi effiace. Même mieux, je dois le dire. Sur ce, je fis un léger rire sarcastique (si on le maitrise bien, pourquoi s'en priver?) et la fixa dans les yeux. Rien de tel pour bien lui faire comprendre que je n'étais pas du genre à me laisser mener et encore moins à se laisser parler ainsi.

- Wow. Colérique, hein. Tu sais quoi? Tu étais presque crédible. Si tu recommences, tu pourrais quasiment me convaincre. Dis-je, sans hausser la voix, en pleine maitrise de moi-même. Enrageante à souhait.

Profitant du fait qu'elle me regarde dans les yeux, je lui lançai un long regard de défi. Pour qui elle se prenait, cette garce, la princesse de l'école? Je la regardai du haut de mes 5''8 (Elle ne devait pas faire plus de 5''5) en lançant les regards glaciaux que je réservais pour ces occasions. Ces regards qui rendaient mes yeux gris de fureur... Malgré moi, dans ces moments-là, les larmes me venaient aux yeux. Je n'ai jamais su pourquoi, mais cette fois-ci, je les ravalai. Pas question de passer pour une vraie folle devant cette fille mesquine. Pas que je ne l'était pas...
- Tu pourrais aussi seulement te tasser. Comme ça, je n'aurais pas à te faire mal.
Je m'adossai tranquillement au mur. J'attendrai qu'elle parte pour m'en aller dehors et partir de l'école pour la journée... Elle n'avait pas à savoir que je sécherais. Elle n'avait pas à savoir quoi que ce soit à propos de moi. J'enroulai une mèche de mes cheveux autour de mon doigt, et détournai le regard... Mais vas-tu partir?

- Hum, c’est bien plus tentant de rester ici.

Je me rapprochai légèrement, de manière à ce que mes paroles aient plus d'effet. Elle semblait vraiment se prendre au sérieux. Elle croyait que ses quelques pouces de plus lui donnaient un avantage. Qu'elle garde ses impressions, elle n'en était que plus vulnérable. Et donc une cible plus facile. Et en plus, elle semblait au bord des larmes. Pitoyable.

- Écoute-moi bien, la furie, si j’étais toi, je reprendrais mes dernières paroles, parce-que je suis certaine que tu ne veux pas avoir affaire à moi. Compris? M’oblige pas à te le répéter.

Si la prison m’avait bien appris une chose, c’était probablement me défendre. J’en avais vu des bien plus grosse qu’elle. Le truc était de rester glaciale et calme -ajoutez-y du sarcasme, mélangez et c'est prêt. La fureur n'était qu'une lâcheté, en outre, garder la tête froide demeurait la meilleure technique d'intimidation.

Ah! Quelle casse-pied, cette fille! J'avais très sérieusement envie de lui filer une paire de claque en plein dans la gueule. J'envisageai de le faire quelques secondes, puis me retins. Non. Je n'étais pas quelqu'un de violent. Sans toutefois être une hippie peace and love. En tout cas, pas assez pour ne pas relever la pique qu'elle venait de m'adresser.
- Ah bon? Pourquoi n'aurais-je pas envie d'avoir affaire à toi? Je ne sais pas qui tu étais ou pour qui tu te prenais avant d'aterrir ici, mais juste pour ton information, si tu te comporte de cette façon avec tout le monde, tu ne va sérieusement pas passer l'année.Conseil de... De connaissance.
Non. Ce n'était même pas une connaissance pour moi. Ce n'était qu,une autre moins-que-rien sur mon long passage vers la finale libération vers le monde dehors. Ma graduation... J'étais fébrile rien qu'à y penser. Mais ce n'était pas près d'arriver. Jamais je ne passerais cette année... Cette année. Décidée plus que tout à ne pas aller en éducation physique, je m'assis par terre, complètement désespérée. Est-ce que ça valait la peine de ne pas vouloir lui montrer que je séchais? Je devrais peut-être m'en aller, après tout... Mais quand même! Elle allait sûrement me stouler. Ce n'était pas ce que je voulais, être prise en plein délit de séchage de cours... quoique ce soit plus un art, dans mon cas...

L'envie de rire me prit à mesure que la fille tentait de me faire peur. Pas passer l'année? H-a-h-a. Laissez moi rire. Comme si avoir des délinquants juvéniles à mes trousses allaient réduire mon espérance de vie. Décidément mon année ici allait s'avérer assez divertissante. Surtout si tous les élèves se montraient aussi susceptibles que ceux que j'avais rencontré jusqu'à présent. Rien qu'à y penser, j'en avais des frissons de joie. Hilarant. Vraiment.

- Hum. Premièrement, pour répondre à ta question, tu ne veux pas me mettre à dos, parce-que personne ne voudrait plus te regarder quand j'en aurais terminé avec toi. Crois-moi, mieux vaut que t'en restes là. Deuxièmement, je vais passer l'année, comme tu dis, et je ne changerais pas d'un poils.

Je terminai mon monologue avec un sourire faussement gentil.

C'est fou comment une si petite personne pouvait me taper sur les nerfs. Je frissonai de mépris pour elle. En même temps, j'avais pitié. pitié d'elle. Il fallait être passée par quelque chose d'horrible pour devenir comme ça... J'essayai de deviner:
Meurtre... Ouh! Ça va chauffer pour mes fesses! Ok, c'est la pire solution
Elle avait fugué, comme moi. Non! Je ne voulais pas lui trouver un point en commun avec moi!
La drogue. Oui, c'était bien probable. Mais elle n'avait pas trop le profil d'une droguée... Et croyez-moi, je savais à quoi ça ressemblais!
Les vols. Je l'imaginais bien, glisser un article, imperceptible, dans son grand sac...
Le vandalisme. Scapper des trucs m'avait, moi aussi toujours attirée.
La violence. Mais oui! Assurément, c'était ça... Hum... Je devrais peut-être... Faire de l'air!!!
Non! Jamais... Je n'étais pas une faible!!! Si j'avais à m'en aller, ce serait si quelqu'un arriverait pour me mettre en retenue. Je n'aimais pas les retenues, alors je filerais sans me demander mon reste. Mais ce que je pouvais être pathétique, parfois! Bon, passons à autre chose. Soudain, sans que je ne le veuille, ma main partit (Toute seule, je le jure) en direction de sa joue. Je me mis à sourire incontrollablement. Un énorme fou rire sortit de ma bouche. Mais je ne me recconnais plus! Étais-ce l'école de fou qui m'avait pourri le crâne? Jamais je n'aurais fait ça si je n'était pas venue ici. Bon, en tout cas. C'était très drôle!

- Bon on dirait que ton instinct de survie a comprit.

Je continuai de la regarder avec un regard de satisfaction.Je me rappelai les premiers instants où j'étais sorti de la prison pour être mise à Fichard. Beaucoup aurait ressentie de la satisfaction ou encore de la liberté. Pas moi. L'année que j'y avais passer m'avais complètement changée. Autant j'avais pu être rieuse et amusante avant, autant je m'étais transformée en un bloc de glace sans compassion. Quand on est à l'intérieur des barreaux, on perds la notion du temps. La survie, c'est ce qui reste. C'est celle qui sait ce faire respecter qu'on laisse tranquille. Et puis, après l'avoir été, on est plus jamais la-même. Comme si quelque chose en moi s'était brisé. Irréparable. J'entendais les gens parlez derrière moi, je savais que la plupart du temps, ils préféraient arrêtés de me contredire, me laisser les vaincre, au lien de se transformer comme moi. Même les délinquants. Je n'étais pas idiote. Mais je préférais être celle que l'on détestais, plutôt que d'être comme tout le monde. Parce-que je savais que jamais ça n'arriverait.

Wow! Elle commençait sérieusement à me faire peur. Elle avait bien compris le nom de l'école? Pour les délinquants. D-É-L-I-N-Q-U-A-N-T. Pas les fous mentaux... Je l'enlignai croche, pour qu'elle comprenne qu'elle commençait à me faire peur.
- Que mon instinct de survie a compris quoi? Que tu fais peur à en mourrir? Que t'es folle? Sérieusement, tu devrais prendre tes médicaments... Ou réajuster ton dosage!
En disant ces derniers mots, je m'esclaffai. Je ne sais pas ce que j'avais. Aujourd'hui, J'étais un peu folle. Bien... Peut-être plus qu'un peu. Mais tout de même. Si cette école regorgeait de fous comme cette fille, je n'allais pas tarder à devenir comme eux. Et peut-être même pire, on ne savait jamais avec moi... Je continuai à rire. Puis, j'arrêtai, aussi sec que j'avais commencé.
- Non, attend, laisse-moi deviner... Tu voulais que je te frappe? Que je te gifle? Non, mais tu... Tu t'es vue?
D'accord. C'est vraiment n'importe quoi, ce que je fais en ce moment. J'étais très sérieusement en train de me poser des questions sur ma santée mentale...

Je la regardai dire sa mascarade en ayant une envie incommensurable d'éclater de rire. Mon attitude avait amplement remplit son rôle, comme à son habitude. Fait fuir les gens étaient devenu un jeu pour moi -dans la mesure où je le joue seule, assez souvent- et s'il y avait une trophée à remporter là-dessus, la palme me reviendrait (sans être vaniteuse, bien sûr).

- Malheureusement, aucun médicament ne peut traiter mon état. Comme c'est dommage. Le monde devra m'endurer comme je suis.

Et quand elle se mit à rire comme une dérangée, je ne pus m'empêcher de relever un sourcils. Et après c'est moi qu'elle voulait qu'on soigne? Juste à cause de cela, son nom venait de monter dans la liste des personnes aliénées. Et hop!

- Qui a parler de baffe? Tu te fais des idées, Zarby. Dis-je, en prenant un air théâtral. Je suis l'être le plus pacifique qui soit. Ajoutai-je, avec un sourire sadique.

Je lui sourit, le sarcasme sur mon visage étant évident.

Je la regardai pour qu'elle comprenne que la zarby, c'était pas moi. Est-ce que tout le monde de cette école était comme ça? Mais en tout cas, son attitude sonnait faux. Comme si elle était creuse en dedans, qu'elle cachait quelque chose d'énorme. Qu'elle avait peur de dévoiler sa vraie personne au monde entier. Vous voulez savoir ce que j'en pense? C'est pathétique. L'honeteté était une seconde nature chez moi. Bon, pas tout le temps, j'avais tout de même un instinct de survie, mais j'essayais de le faire. Je secouai la tête, totalement découragée par mon interlocutrice et par la tournure que prenait la conversation.
- Pacifique... C'est un mot bien trop... Gentil pour te décrire, tu ne trouve pas, non? Le mot qui te décrirerais serait plutôt... Garce? Étrangeté? Bizzarerie?
Et c'était vraiment le fond de ma pensée. Elle semblait vraiment parfaite pour ces mots. Je souris, me retenant de rire. C'était quand même hilarant!

Hum, malgré son attitude qui laissait présager un peur de peur, ou encore de l'inconfort, elle avait de l'audace - ou une attitude à tendance suicidaire, faut voir. Pour traiter une fille comme moi de garce, il en fallait une bonne dose. Au moins, on pouvait lui donner ça -si on tient compte du manque de personnalité qu'elle semblait avoir.

- C'était du sarcasme, Miss. Tu connais, j'en suis certaine, c'est quand les gens utilisent l'ironie.

J'espérais qu'elle en connaissait au moins les rudiments, pour toutes les fois que je l'utilisais. Vraiment la dérision, ça me connaissait. Bon moyen d'accentuer le malaise. Et c'est dans celui des autres que j'excellais le plus.

- Ce sont là des adjectifs plutôt négatif, tu ne trouves pas? Et cela ne fait que 5 minutes que nous parlons.... J'ai hâte de voir si tu auras assez de vocabulaire pour en trouver d'autres lorsque je t'aurais montrer l'étendue de ma personnalité. Complétai-je, avec aisance, tout en ajoutant un léger sourire en coin.

Cette conversation était d'un ennui total. Bon, tout de même. Je préférais aller en gym plutôt que de continuer à parler avec cette poisse durant encore une minute. Je sortis mon iPod, le branchai dans mes oreilles et montai le volume un max. Sa voix me traumatisais sérieusement... Je lui lançai un dernier regard dédaigneux avant de prendre mon sac d'éducation physique, de le balancer sur mon épaule et de pousser la porte du vestiaire. Je ne me retournai pas. Je lui balançai simplement:
- Ouais. Si tu veux mon avis, je ne veux pas avoir plus de vocabulaire. J'en ai bien assez à mon gout. alors... Si tu veux bien m'excuser, je vais aller à mon cour...
Je rentrai en gym, mais ne me changeai pas. Je décidai d'attendre que la fille soit partie pour sortir et aller dehors. Encore sécher l'école... Je n'était pas très forte pour monter à la corde!

Je sentais que la fille allait bientôt craquer. Il faut dire que ma répartie laisse souvent les gens bouches bées. Je n'y peut rien, c'est naturel -vraiment, je ne le fait pas exprès, les mots viennent seulement trop facilement. C'est alors qu'elle décréta qu'elle partait, après avoir donner une excuse minable et s'engouffra dans les vestiaires -avec visiblement aucune envie d'aller à son cours - sur ce point, elle n'a pas complètement tord (les cours dans cette école sont des complètes pertes de temps). Bon, un autre point gagné. Abigail 1, fille inconnue 0. Phase 1, terminée - bon, ça me monte à la tête, je me mets à parler comme un agent secret. Bon, alors, la journée est terminée pour aujourd'hui, pas question d'aller en arts.

Je me dirigeai vers mon casier, pris ma veste et mon sac - sans oublier mes clés, bien sûr. Je sortis de l'école, démarra ma voiture, sortis du stationnement et quittai l'école.