Je sentais une sorte de cruauté en moi, comme si j’avais été responsable de notre sort. Je n’oubliais pas qu’une moitié de mon être était celle d’un homme qui méritait pire que l’enfer. Certes, ce n’était pas ma faute, mais je n’arrivais pas à chasser ses sombres pensées qui oppressaient mon cœur, mon âme.

Au fur et à mesure que je grandissais, je me posais de plus en plus de questions sur mon avenir. Que deviendrais-je ? Comment ferais-je ? Ma mère pouvait à peine garder le loyer, alors l’université n’était pas envisageable. Il fallait payer pour l’être après. J’étais intelligent, mais les pensées ne pouvaient pas se vendre. Toute issue de secours m’était inaccessible, mais je ne voulais pas finir comme ma mère, j’en avais assez de cette vie. Une vie dans laquelle je me sentais trop coupable, et je n’en voulais plus.

Mon seul bonheur était de sortir. J’aimais cette ambiance électrique, comme si les pensées n’avaient plus lieu d’être. Il n’y avait plus qu’à se défouler, oublier de réfléchir. Tous ces gens autour de soi, la sensation oppressante d’être dans la masse donnait l’impression que l’on ne se commandait plus. La musique assourdissante où l’on n’entendait rien d’autre déconnectait l’âme. Les actions étaient irréfléchies, et seulement les envies commandaient. Tout se faisait automatiquement, il n’y avait que le désir. Mais ces moments paraissaient flous et irréels le lendemain, comme si il avait s’agit d’un simple rêve.

Personne n’était au courant de mon passé ni de ma situation. Je ne voulais pas que l’on éprouve de la pitié ni de la charité. J’aurais refusé toute aide, et ça faisait partie de mon tempérament. J’étais quelqu’un de plutôt discret et indépendant. Je ne voulais pas que l’on connaisse mes antécédents. J’étais peu bavard, j’aimais observer les gens avant de les aborder. Je voulais essayer de deviner comment et qui ils étaient. La sympathie faisait partie de ma personnalité. Mon histoire m’enlevait toute trace de cruauté. Faire du mal au gens en y prenant plaisir était quelque chose d’horrible, selon moi. J’avais déjà vu trop de souffrance dans ma vie. L’autre partie de mon être était celle d’un séducteur. J’aimais user de mon charme sur n’importe quelle fille. Après tout, je restais quand même un garçon. Séduire ne me posait aucun problème. Ma voix grave et feutrée était sensuelle, et j’avais un physique plutôt attirant.

Les deux poings appuyés sur le rebord du lavabo, je m’observai dans un miroir mal éclairé par une faible ampoule qui devait être changée. J’y vis un garçon avec une expression dure, un peu farouche, froide et arrogante. Des yeux aussi sombres que ses cheveux et ses pensées lui donnaient un regard intense. De jolies lèvres masquant des dents droites et blanches, une peau claire et lisse recouvrant un corps plutôt musclé. Une part de mystère l’entourait, comme si ça avait été son aura. Le garçon que je détaillais dans le miroir qui n’était autre que moi-même était beau et attirant, mais une attirance redoutée, comme si elle formait une barrière autours de lui, ce qui était fort contradictoire. Si l’on voulait comprendre le mot « Bad Boy », il suffisait juste de le regarder. Puis, le garçon s’en alla d’un air sombre et je refermai la porte de la salle de bain derrière moi.

Ma mère m’en voulait pour mes sorties incessantes, mes heures de cours que je ratais. Elle travaillait toute la journée jusqu’au soir, et moi, j’allais dans des soirées. Certains jours, j’assistais à quelques cours. Je m’amusais et je volais. Je le faisais pour pouvoir tout continuer. Sans ça, ma vie ne valait pas la peine d’être vécue. Mais je ne pense pas être un criminel. Je ne faisais de mal à personne, moi. Tandis qu’en m’arrêtant, ça a détruit ma mère et mes prochaines années de vie.