Suite du parc [Kym]

J’aperçus une vitrine magnifique. Des robes de soirées plus belles les unes que les autres étaient portées par des mannequins pâles dans une matière qui ressemblait à de la porcelaine. Les prix devaient être immenses, mais peut importe. Seules les robes comptaient. Je lançai un regard qui sous-entendait « C’est le magasin qu’il nous faut, c’est évident » à ma nouvelle amie. Je poussai la porte vitrée et la lui retint pour ne pas qu’elle ne se referme sur elle. Un séjour à l’hôpital ne me tentait pas vraiment. Là, des dizaines de rayons se tenaient devant moi. Ce magasin était le paradis. Moi qui avait crû juste connaître l’enfer… Devant moi, il y avait une paire de chaussures noires à talons hauts. Elles étaient pas mal, mais j’étais persuadée qu’il y en avait d’autres qui seraient magnifiques.

- Qu’en penses-tu ?

Je lui fis un clin d’oeuil. Je me dirigeai vers une des nombreuses allées du magasin, une où se trouvaient des robes, et j’en sortis une rouge, courte et cintrée. Le dos était nu et il y avait un décolleté plongeant. Je fis une grimace désaprobatrice. Belle, mais je voulais quelque chose de plus élégant. Je voulais du noir.

J'entrai quasiment en courrant dans le magasin. Sérieux, cette place, j'y passerais toute ma vie! Surtout si j'y avais un rabais illimité, du style employé... Oui, c'était une bonne idée. Mais plus tard, bien sur. Maintenant, je me cherchais une robe. J'en vus une qui était très belle, une robe à bustier mauve avec une ceinture de satin violet à la taille. J'en pris une à ma taille pour l'essayer plus tard... Elle n'était certes pas donnée, mais je trouverai bien un moyen de tout rembourser. J'en pris une autre, grise garnie de pailettes avec un ruban de satin noir à la taille, aussi. Je l'adorais. Je me dirigeai aussi vers une rouge de jersey très fin avec une broche de diamant au niveau du buste. Il y en avait aussi une, à côté, avec un bustier noir et une jupe de tissu écossais. Je les pris tous les deux. J'en pris aussi une à bustier mauve garnie de paillettes. Ensuite, je pris une robe bain de soleil couverte de pailettes. Je voulais TOUTES ces robes. Mais... D'un autre côté, je n'allais jamais pouvoir la rembourser ainsi. Je n'avais aucune idée de laquelle prendre. Je croisai ma nouvelle amie. Elle aussi, avait les bras surchargés de robes.
- Et puis? La récolte est bonne?
Je pouffai. Pour moi, la récolte était excellente. Même mieux que ça. Cette boutique était venue du ciel. Il y avait des souliers, aussi! D'exquis souliers argentés et noir...J'en salivais d'envie!

J'avais pris une robe dans une matière brillante et douce. Elle était courte, avec un dos nu. Sexy tout en restante élégante, ce que je cherchais. Cependant, j'en voyais chaque fois une encore plus belle que la précédente. Je trouvai encore une robe blanche avec un bustier et un nœud noir perlé à la taille. Les volants de la robe étaient légèrement transparents. J'en pris une à ma taille, ravie de toutes les trouvailles que j'avais pu faire. Et je continuai comme ça, prenant à chaque fois une nouvelle que je trouvais classe, sexy, originale... Je me dirigeai vers un autre coin du magasin et je restai bouche bée, en état de choc devant ce que je vis. J'étais subjuguée par la robe bleu nuit pailletée que j'avais devant moi. Elle était fort brillante, comme si des milliers de gouttes de rosée s'accrochaient à elle. C'était une robe en satin à bustier, courte mais qui finissait en cascades de volants. Et, par miracle, des escarpins assortis se tenaient juste à coté. Je regardai le prix de la robe... C'était une des plus chères. Tant pis, je la voulais. Les escarpins avec, et même peut-être qu'après j'irais m'acheter de nouveaux bijoux pour compléter l'ensemble.

- Et puis? La récolte est bonne?

- Magnifique! Mais je crois que j'ai déjà trouvé la robe qu'il me fallait. Je l'adore. Bon, on va les essayer?

Je me dirigeai vers les cabines d'essayage et je déposai toutes les robes que j'avais trouvée dans une.

- Tu me montres quand tu en as essayé une, ok?

En tout, j'avais pris dix robes. Je les accrochai après un suport et fermai les yeux. J'en piochai une au hasard. Je procédais toujours ainsi, je n'avais toujours aucune idée du pourquoi je faisait ça. La robe que je pris était en satin, grise, avec des bordures en bas et en haut et un jupon noir dépassant du bas. Elle était fermée à l'arrière par un corset. Elle était bien trop habillée, mais je décidai de l'essayer quand même. Au cas où ce serait la robe qui m'irait le mieux au monde. Mais ça, j'en doutais. Je l'essayai, mais elle ne voulait pas rester. Je n'avais pas assez de poitrine pour faire tenir cette robe, et j'eus beau serrer le corsage, elle glissait quand je levais les bras. Je soupirai. À dix-sept ans, j'étais toujours plate comme une fille de treize. Et mes hanches refusaient de s'élargir. Je ne me plaignais pas de ce dernier point, bien sur, puisque ça me permettait d'habiller du zéro là où les autres portaient du 5 ou du 7. Je secouai la tête, sortant enfin de ma rêverie. J'ôtai la robe, assurément, puisque je ne la mettrai jamais. Je pris la prochaine avec ma super technique. Une robe de jersey noir très fin, avec des bretelles, bien sur. Il y avait une ceinture blanche à la taille. Je la trouvai un peu simpliste, mais tout de même superbe. Il y avait de la tulle dans le bas, mais j'aurais tôt fait de couper ça. Je l'enfilai. D'après moi, elle m'allait comme un gant, mais ce n'était pas la robe parfaite... Je ne la mettrai que si je n'avais rien d'autre. Je sortis de la cabine et cognai sur celle de ma nouvelle amie.
- Macy?

Je n’avais pas su garder la merveilleuse, la plus belle, ma préférée pour la fin. Ç’avait été le coup de foudre. Elle et moi, c’était pour toujours. Je l’essayai, elle m’allait vraiment bien. Elle épousait parfaitement la forme de mes courbes et le bustier était ravissant. Et puis, je trouvais ce bleu nuit magnifique. Comme un ciel sans étoiles… Et sans lune, évidemment. Je me tournais, me détournais, me retournais pour pouvoir l’examiner sous toutes les coutures. Oh mon dieu, il me la fallait. Elle était faite pour moi. Après l’inspection minutieuse de chaque centimètre carré de la robe, je me débarrassai de mes chaussures pour passer les escarpins. Mes pieds les chaussaient bien, ni trop grands ni trop petits, ni trop larges ni trop fins. Au moins, les talons aiguilles complétaient ma taille. J’avais beau être juste légèrement en dessous de la moyenne, je ne me trouvais pas assez grande. Un mètre soixante deux, ce n’était pas assez à mon goût. Mais là, les cinq ou six centimètres de talons des escarpins –approximativement, du moins- me donnaient presque le mètre 70. J’étais heureuse, très heureuse. Comme un jour de beau temps pendant l’hiver, même si ce n’était pas comparable parce qu’une robe et le soleil n’étaient pas pareils. Une robe, c’est quand même mieux… Kym frappa à la porte de ma cabine, et j’ouvris. Sa robe lui allait vraiment bien aussi, mais elle était moins extravagante.

- Elle te va vraiment bien, mais elle est fort simple. Tu n’en as pas une dans le même modèle mais avec un nœud au niveau de la taille où quelque chose comme ça ? Au fait, que penses-tu de ça ?

Je lui indiquai ma robe et les escarpins assortis.

La robe de Macy lui allait vraiment bien. J'étais sure qu'elle n'utilisait pas ma technique pour choisir l'ordre de ses robes. C'était sûrement la plus belle de celles qu'elle avait pris, mais c'était surement aussi celle qui lui irait le mieux. J'en étais presque verte de jalousie...
- Non. Pas non, elle ne te fais pas, mais non, je n'en ai aucune qui lui ressemble. J'en ai des bien mieux... Et la tienne te va à merveille! C'est exactement ta couleur. C'est elle que tu devrais prendre.
Je lui fis un signe, pouce en l'air, qui voulait dire que c'était très beau, puis je disparut dans ma cabine. Je décidai de ne plus perdre de temps avec mon stupide stratagème et d'attaquer immédiatement les plus belles, qui se résumaient à:
Une robe mauve au genoux, à bustier avec des fleurs en brillants partout, et une ceinture de satin une teinte plus pâle à la taille;
Une robe grise, recouverte de jersey très fin noir avec des brillants et des fleurs en brillant dans la bas, garnie d'une ceinture de satin noire à la taille;
Une robe bain de soleil noir recouverte entièrement de pailettes;
Une robe blanche d'inspiration grecque, avec des bretelles dorées croisées dans le dos et sous la poitrine.
J'écartai les six autres. Je commençai par enfiler la robe mauve. Elle m'allait à merveille, la mauve était décidément la couleur que je préférais. Et, par chance, c'était aussi celle qui m'allait le mieux au teint. J'avais pris les escarpins qui allaient avec, des talons aiguilles mauve. Je les mis et sortis de la cabine.

J'attendis qu'elle se change et qu'elle ressorte avec une nouvelle robe. Mon choix était déjà arrêté sur ce que j'allais acheter: ma merveille bleue et les escarpins assortis. Puis, la cabine s'ouvrit et elle en ressortit avec une robe mauve qui lui allait vraiment bien. La couleur était belle et allait fort bien à son teint. Le modèle était beau et correspondait bien à sa morphologie. Je lui souris.

- Whaouw! Elle est magnifique, tu dois la prendre. La couleur est belle, et le modèle te va trop bien. Sincèrement, c'est superbe.

Sa robe lui allait manifestement très bien. Elle était sublime dedans. Je n'en étais pas jalouse, j'aimais beaucoup la mienne, mais quand même... Une belle robe sur quelqu'un qui la porte bien ne peut être regardée sans être enviée. Mais j'étais contente pour elle, car elle était réellement merveilleuse. On se ferait remarquer, à la soirée, aucun doute là-dessus. Par contre, un détail me perturbait. Où allions-nous nous changer avant d'aller à la soirée, où allions nous nous débarrasser de nos vêtements? Mystère. Ou alors, hop, poubelle. Sauf que j'aimais quand même assez mes fringues pour ne pas les jeter.

- Au fait, Kym... On va faire comment pour se changer avant d'aller en boîte? Et où on va planquer nos fringues?

A moins de rentrer à Fichard. Sauf qui si on se faisait repérer avec nos sacs de shopping, nos robes allaient nous passer sous le nez et nous ne pourrions pas sortir. C'était assez risqué.

Je décidai que c'était cette robe que j'acheterai. J'allai dans ma cabine, ramassai toutes les autres et les donnai à la dame qui s'occupait des cabines. La mauve exceptée. Puis, je réfléchit à sa question. C'était vrai que ça posait problème, étant donné que je n'avais pas vraiment d'autres paires d'espadrilles. Je ramassai les escarpins noirs avec noeud de satin violet assorti à ma robe et commençai à penser tout haut.
- On ne peut pas laisser les fringues... Parce que sinon, je me ramasse sans espadrilles. Et ces pantalons de jogging, c'est des Juicy. Ça vaux un bras. Surement pas à Fichard. Pas question qu'on y retourne. En plus, comment tu es arrivée ici? T'as marché? En tout cas...
Puis, un fait que j'avais vécu il y a pas si longtemps, je dois dire, me revint en mémoire. Ça semblait pourtant tellement lointain! Des années...
- Je me souviens, que, quand j'habitais encore en Caroline, on ne savais pas où aller se changer, alors on avait planqué nos affaires à côté d'une poubelle. Mais... C'est peut-être risqué, ici, avec tous ces délinquants qui volent!
Je pouffai.

Mes vêtements derrière une poubelle, ce serait une première. Mais s’il le fallait pour pouvoir aller me pavaner devant tout le monde, pour faire la fête, je le ferai. Et qui irait chercher derrière une poubelle ? Ah, mais certains affamés pourraient aller regarder dedans. Ou alors, on en paie un… Quoique, très mauvaise idée. Et s’ils revendaient tout ? Décidément, c’était une très mauvaise idée. Je sortis de mes réflexions puis je m’adressai à Kym.

- Je crois qu’on n’a pas d’autres solutions… Derrière une poubelle, c’est la seule chose qu’on puisse faire.

Je n’allais pas lui parler de mes autres idées, elles étaient stupides. Quoique… Et si je donnais un gros pourboire à la vendeuse pour qu’elle garde nos vêtements, nos sacs et nos portables ? Et pour qu’elle nous laisse sortir avec les robes sur nous. Marcher dans la rue en robe de soirée en fin d’après-midi… Hem. Mais c’était ça on alors prendre le risque de tout nous faire voler. Je fis part à Kym de mes suggestions en jetant un coup d’oeil discret à la vendeuse qui n’avait pas l’air très riche. Car une simple vendeuse ne gagne pas un salaire très élevé. Ce devait être ses supérieurs qui gagnaient presque tout.

- Kym… Tu crois que si je donne 150 dollars à la vendeuse, elle acceptera de nous garder nos affaires jusqu’à ce qu’on revienne les chercher ?

On reviendrait dans la nuit, mais elle pouvait très bien se réveiller pour nous ouvrir ou carrément rester dans le magasin. Ça, c’était à elle de décider. Décidément, mes plans étaient un peu tordus. Mais je tenais à mes fringues, mon sac et le reste. Et ce qu’il restera de mon argent, aussi.

Je m'étouffai. 15o$? Qui irait jeter 15o$ par les fenêtres ainsi? Bon sûrement que son sac en valait le quadruple, et ses souliers 20 fois plus, mais tout de même... C'était 15o$! Évidemment, je me mis à songer à ce que je ferais avec 15o$.
De la drogue.
J'étais presqu à court. Comment j'en aurais d'autre? Qu'est-ce que je ferais quand je viendrais à en manquer? Une fois, j'avais essayé d'arrêter. Au bout de trois jours, je m'étais mise à shaker des mains. Je n'ai aucun souvenir de ce moment, parce que après ça, tout le monde m'a bourrée et c'est ainsi que je n'ai aucun souvenir de cet instant. Il parait que je criais au diable et que je frappais les gens qui essayaient de m'aider. La honte totale... Je me secouai. Je ne devrais en aucun cas refaire ça. Le regard des autres après... Je n'osais même pas imaginer. Je revins brutalement à la réalité. La réalité de moi, tenant une robe et des escarpins, pas hurlant comme une débile.
- Mais... À la place, pourquoi ne pas louer un casier? Tu sais, il doit bien y avoir une place où on peut faire ça, ici?
Je l'espérais, en tout cas. Parce que payer 15o gros dollars à une caissière qui volerait nos vêtements de toute façon! Parce que, moi, les caissières blonde anorexiques, je ne faisait pas du tout confiance à ça. Histoire trop longue à raconter.

[HJ: Le souligné, c'est ma voix intérieure qui me parle. Même si elle est pas schizo, sa voix lui parle...]