HJ : Je ne reviendrai pas sur le super débat que nous avons eu dans le bus concernant ce sujet, tout ça pour dire qu'il y a plusieurs exemplaires, d'autres plus gros, et effectivement, il me semblait plus épais.

Je ressortis de la classe de Chimie avec hâte. Le bruit était intenable, des cris, des rires, pas un moment de silence. Je n'en pouvais plus. Les élèves ne savaient pas se tenir plus d'une seconde sur une chaise en silence. C'était carrément horrible... Et après les cours, encore pire. Le hall plein d'élèves bruyants, un bruit de fond permanent, ça ne me plaisait pas. Je n'étais pas quelqu'un de difficile, j'avais été élevé dans la misère et je n'avais jamais eu ce que je voulais, mais là, c'était pire que tout. Il me fallait un lieu pour me reposer, au calme.

La bibliothèque. Voila qui paraissait bien. Et je pourrais même emprunter quelques livres. Je n’en avais jamais au énormément, même si j’aimais bien l’odeur des pages que l’on tournait. Avant, j’y allais souvent. Mais à Fichard, peu d’élèves s’y rendaient. C’était comme un lieu de paix, l’endroit où je trouvais que le temps s’arrêtait, comme suspendu dans les airs. Là-bas, j’étais coupé de la vie que je menais, vie qui ne me plaisait pas.

Je poussai la porte de la bibliothèque. Il y avait peu de gens qui s’y trouvaient pour toutes les rangées de livres. Mais c’était ce que je cherchais. Je me sentais déjà plus calme, cet endroit me plaisait mieux, il me correspondait. Je n’aurais jamais cru que je me serais sentit bien quelque part à Fichard.

Dans une des rangées, une fille essayait d’attraper un livre en hauteur. Je me dirigeai en silence derrière elle, j’attrapai le livre et je le lui tendis.

- C’est ça que tu voulais ? demandais-je en lui offrant mon plus beau sourire.

Foutue bouquin… À quoi ça servait de faire des étagères si hautes si on ne pouvait pas attraper un seul livre ? Mon dos et mes orteils me faisaient souffrir. Je poussais un léger grognement. Cette endroit était supposé être une source de calme et de bien-être, mais pour le moment, je me sentais beaucoup plus énervé qu’autre chose. Je jetais un regard autour de moi. Non, je ne capitulerai pas ! Je l’aurai si livre, je l’aurai, et sans l’aide de personne. Vous m’avez bien compris ?

Pourtant, j’avais une envie incontrôlable de donner un grand coup de pied dans l’étagère, mais je voyais déjà la scène : les étagères qui tombaient les unes sur les autres comme des dominos, et moi, entre elle, les mains sur la tête, morte de honte. Non. Cette endroit était paisible, et en aucun qu’à je ne gâcherai cette ambiance.

Allez, tu y es presque ! ALLEZ ! Je bougeais légèrement les doigts. J’y étais presque. AHH NON ! J’étais toujours aussi frustrée quand une main s’avança vers le livre et le prit. Je sursautais. Je n’avais entendu personne. Je me retournais brusquement avec un hoquet de surprise, une main sur le cœur. Je jetais un bref coup d’œil vers celui qui m’avait aidé. Il me tendit le livre, que je pris immédiatement. Avec assurance, je continuais mon inspection. Grand, mignon, cheveux bruns foncés, yeux… Je restais quelques instants mon regard plongé dans ses yeux si sombres.

-C’est ça que tu voulais ?

Je n’en avais jamais vu des pareils. Évidemment, me rendant compte que ça faisait déjà un bon moment que je le regardais, mais surtout que je ne lui avais toujours pas répondu, je sortis brusquement de mes pensées.

-Heu… Oui, merci. Répondis-je.

Il souriait, un sourire éclaira donc mon visage pour lui répondre.

Elle me regardait déjà depuis quelques secondes, perdue dans ses pensées, et je lui lançai un regard amusé. Cette fille avait un air rêveur, elle me plaisait bien. Elle était jolie, mince, avec de jolies courbes que ne pus m'empêcher de remarquer. Des cheveux bruns tirant légèrement sur le roux encadraient son visage, et elle avait de beaux yeux bleus, aussi clairs qu'un ciel sans nuages, aussi limpides qu'une mer calme. D'ailleurs, j'aimais bien la mer, son odeur salée, une légère brise soufflant sur la côte, faisant glisser le sable sur les coquillages... Et sur soi, jusqu'à ce qu'on en mange et qu'on en aie dans les yeux. Mais ça, c'était les aspects négatifs de la mer. Je me perdis dans sa contemplation, laissant dériver mes pensées qui étaient déjà loin, jusqu'à ce qu'elle me réponde et m'offre un très joli sourire qui illumina son visage.

-Heu… Oui, merci.

Je continuai de lui sourire en voyant qu'elle faisait de même. Des traits doux, un joli nez, de belles dents... Mon regard s'arrêta quelques secondes de plus que nécéssaire sur ses belles lèvres, puis je m'arrachai à la contemplation de son joli visage pour lui répondre.

- De rien... Je me nomme Chris, et toi? Demandais-je.

Oh, ce sourire ! Dieu seul savait comment une fille aime ce genre de sourire. Quand je remarquais qu'il scrutait lui aussi mon visage, je ne pus m'empêcher de sourire d'avantage. J'étais ravie, voir flattée. Voilà, c'était comme ça, et personne ne pouvait l'empêcher. Je me sentais cependant vulnérable. Je passais une main brève dans mes cheveux, comme à mon habitude, dégageant ainsi une mêche rebelle qui descendait devant mes yeux.

Je devais pourtant avouer que peu à peu, je perdais toute attitude ironique, bête, mon caractère insuportable semblait simplement s'envoler. Je voulais rester comme je l'étais. C'était grâce à ce caractère désagréable que j'avais réussis à survivre dans un monde aussi pourris, que j'avais réussis à survivre aux conneries de mon père. Pourtant, on aurait dit que j'oubliais tout, je devenais douce et gentille. Bon, pas tout à fait, mais tout de même, lentement, je faisais mes adieux à cette personnalitée que j'avais mis tant d'années à construire ! C'était désolant, je voyais encore ce visage aux traits crispés, violents, et j'étais frustrée à un tel point... J'avais tellement détesté mon père.

Sa voix me sortit rapidement de ces pensées sombres qui tiraillaient maintenant mon subconscient.

-De rien... Je me nomme Chris, et toi ?

Chris...

-Silver. Me présentais-je à mon tour.

Il souriait toujours, ce qui m'amusa un peu.

Le silence s'était à nouveau installé... Un silence lourd, mais pourtant pas désagréable. J'aurais pourtant bien aimé qu'il ouvre la bouche et mette fin à ce silence, mais ce n'était pas de ces silences si embarrassants, bien qu'il semblait long. J'avais simplement envie qu'il me parle, avec sa voix feutré et son ton neutre. J'aurais aimé pouvoir m'exprimer aussi bien qu'il le faisait, avec autant de délibération, mais il semblait que les mots étaient restés coincés à quelque part dans ma gorge. Pourtant, je me sentais à mon aise. Je me sentais même mieux qu'avant d'être entré ici. En fait, je ne m'étais jamais sentit comme ça depuis quelques années. Comme si le danger que je sentais toujours roder autour de moi, les souvenirs d’enfance, les visages familiers que je craignaient revoir n’étaient que pure imagination. Foutaise, je voulais profité de ce sentiment de victoire et de paix.

-Pourquoi es-tu à Fichard ?

Je souris légèrement. La question habituelle... Cette question, je l'avais entendu mille et une fois, que ce soit ici, au téléphone, pendant mes courts séjours en prison, ou ailleurs, mais à chaque fois, je m'ententais à répondre la même chose. J'avais fait un tas de bêtises, mais je ne regrettais pas mes gestes. Ce que j'avais fait, je l'avais fait parce que j'avais raison de la faire, pour moi, pour les autres.

-J’ai fait plusieurs bêtises… Ivresse au volant, meurtre, bien que le premier fut accidentel, incendie criminel, fugue, vols, et autres conneries du même genre… Disons que j'ai eu mes démêlés avec la justice... Répondit-elle en soupirant légèrement. Et toi ?

J'avais bien le droit à une réponse.

Il me répondit assez brièvement, mais je n'en demandais pas plus. Nous n'avions pas besoin d'entretenir une conversation, bien que l'envie me brûlait de le connaître dans les moindres détails. Les gens pensaient m'échappés, me filer entre les doigts, mais je connaissais toutes les rictus et les expressions faciales. Je connaissais ce visage. Je l'avais longtemps affiché. Ce visage songeur. Je savais à quoi on pensait quand on avait ce visage. On pensait à la souffrance. Je connaissais ce sentiment, et pourtant, cette pensée me fit sentir aussitôt mal. Est-ce que je m'appitoyais sur mon sort ? Parce que quelqu'un avait sûrement vêcu pire. Quelqu'un, peut-être même lui. Alors, la culpabilité me prit sur le coup. Ce que je pouvais être prétencieuse et égoïste parfois. Pourtant, ça venait seul, c'était inconscient, je me plaignais, point.

J'hochais légèrement la tête.

-Alors... Hum, tu es nouveau ici ? Je veux dire, je ne t'avais jamais croisé auparavant. Demandais-je en passant une main derrière mon cou.



[ HJ : Pas très long, désolée. ]

Je suivis des yeux le tracé de sa main derrière son cou. J'examinais chacun de ses gestes, j'écoutais chacune de ses paroles et je regardais chaque parcelle de son visage. Depuis combien de temps étais-je là? Quelques jours? Oui, peut de temps, mais ça me paraissait être une éternité. Car au plus les choses sont mauvaises plus le temps parait long. Quelques secondes peuvent paraitre quelques minutes, et quelques jours quelques semaines. Et c'était de même pour les choses amusantes. Je n'en avais jamais eu beaucoup, mais en plus ça passait trop vite, car ce précieux temps-là me filait entre les doigts, comme du sable fin. Et essayer de le rattraper, c'était comme tenter de capturer de la fumée entre ses mains. Impossible.

- Ouais... Même si j'ai l'impression d'avoir déjà tout vu. répondis-je.

Car y avait-il quelque chose à faire, ici? Des nouveautés, quelques évènements, autres que des ragots et des nouveaux élèves? Non. Et après avoir tout vu, il ne me restait plus qu'à endurer en évitant de souffrir. Du moins, comme je le pouvais. Ma vie n'évoluerait pas dans un endroit pareil. C'était comme si j'étais compressé dans une cage, avec l'impossibilité de bouger.

-Ouais... Même si j'ai l'impression d'avoir déjà tout vu.

Voilà qui m'étais familier comme sentiment. J'avais ressentit la même chose à mon arrivée ici, mais aussi, à mon arrivée à Stanford, mais l'ennuis et la frustration en plus. Il fallait dire que j'étais encore une jeune adolescente écervelée, dans le temps, mais je n'avais pourtant pas beaucoup changé. Mes parents adoptifs n'avaient jamais vraiment été des parents pour moi, mais plutôt de vulgaires remplaçants. J'avais portant une mère et un père qui m'aimaient, mais je ne les voyais pas ainsi. Pas que je ne les aimais pas, je les trouvais très gentils et courageux d'avoir adopté quelqu'un comme moi, mais je ne les adorais pas non plus. Enfin bref, mis à part la grande différence entre les deux villes qu'étaient Dallas et Stanford, il m'avait semblé déjà tout savoir et je m'ennuyais déjà, à peine arrivée.

-Je suppose que c'est le cours normal des choses et qu'on est tous passé par la un jour... Mais ce n'est qu'une supposition. Dis-je en souriant faiblement.

Après tout, tous les élèves de Fichard semblaient blasés d'être ici. Au fond, on était dans une sorte de prison, non ? Mais pour mineurs... Sauf que ça ne changeait pas grand chose, avouons le. C'était en fait une immense perte de temps d'être ici.

Oui, peut-être que finalement, il pouvait y avoir quelques surprises. Comme de nouvelles rencontres, bonnes et mauvaises. Car tous les élèves de Fichard n’étaient pas forcément plaisants à rencontrer, et ils n’étaient pas tous fréquentables. Mais l’étais-je moi-même ? Je me mis à rire intérieurement. Pas vraiment, non. Je sors, je bois en soirée, mon lit est souvent occupé, je fume, et j’ai volé. Ma vie se résumait à peu près à ça. Mais avais-je quelque chose à faire d’autre ? Il faut dire que quand on s’est écarté du droit chemin, c’est difficile d’y revenir. Sauf que moi, je ne m’en étais pas écarté. J’y avais toujours été.

- Ça te tente de prendre d’aller au cinéma, ce soir ? Demandais-je en affichant mon plus beau sourire.

Je n’avais pas envie de passer ma soirée ici. Et une sortie au cinéma en compagnie d’une si jolie fille me tentait. Une jolie fille sympathique et compréhensive que j’appréciais déjà.

Elle avait l’air ravie, heureuse. C’était la première fois que je voyais quelqu’un sourire de cette façon entre les murs de Fichard. Mais si je pouvais lui faire plaisir d’une façon ou d’une autre, je le ferais. Et de mon coté, j’éprouvais beaucoup plus qu’une envie futile de sortir, c’en était presque devenu un besoin. Avant d’arriver dans cette prison, je m’en allais presque chaque soir. Je ne m’étais pas douté que toutes ces soirées-là auraient pu m’être limitées un jour.

Je ne pensais pas à un film en particulier. Je ne savais même pas ce qu’il y avait à l’affiche ces jours-ci ; mes préoccupations se trouvaient bien loin de ça. Je pinçai les lèvres, me souvenant de mon arrestation. Puis, je souris de nouveau à Silver en lui proposant une heure.

- 22 heures, au cinéma ? On se retrouvera là-bas. Si ça te convient, bien sur, rajoutais-je en plantant mon regard dans le sien et en gardant mon éternel sourire.

22 heures, le soleil se coucherait, les réverbères seraient déjà allumés. Je préférais la ville dans la nuit. C’était une autre ambiance. Le stress, le bruit, le monde du jour s’évanouissaient pour laisser place au calme, au mystère, à la romance et à une ville totalement différente dans l’ombre.

Et à la peur, l’alcool, la drogue, les souffrances infligées mais surtout aux crimes qu’on ne peut voir… Je venais de là.